Planification en Afrique : Questions Clés pour l’avenir
Sams Dine SY, 1992
Planification en Afrique : Questions Clés pour l’avenir
Sams Dine SY, 1992
Sams Dine SY, 1992
Les processus d'évolution que l'on observe en Afrique ne sont pas réductibles aux oppositions simplistes entre les tenants de l'économie de marché (s) et les partisans de l'économie administrée. Cette vision manichéenne opposant les vertus de la gestion à celle de la planification - dans son acception courante voire dévoyée - résulte de la difficulté d'identifier un phénomène aussi complexe que l'ajustement au Système Économique
International. Ce phénomène est en effet le plus souvent présenté comme une boite noire dont on énumère les causes d'un côté et les effets de l'autre, y compris les propositions d'abandon pur et simple des programmes d'ajustement structurel. L'ajustement apparaît comme un processus de réorganisation du système économique par une intégration spatiale et dynamique. Intégration du local au mondial, dynamique des conflits et des modes de régulation. Mais aussi comme un paradigme tendant à un changement de perspective avec l'approche du développement par le bas. Cette approche se traduit par la nécessité de reconnaître que la régulation par les institutions nationales de planification est définitivement contredite par le caractère structurel de la faiblesse de la productivité des économies africaines et des déficits des finances publiques. Il n'y a pas lieu cependant de considérer cette "perte d'identité" de la planification comme une fatalité - et de nombreux cadres africains la perçoivent comme telle - ni de se laisser aller à une quelconque célébration du triomphe du marché. Cette contribution a pour objet de fournir des éléments de réponses à quelques-unes des questions clés pour l’avenir, car en tout état de cause, un marché efficace suppose un cadre organisé, de même qu'aujourd'hui, l'économie d'un pays ne peut être cohérente sans un agenda pour améliorer sa compétitivité globale.
La vulnérabilité de la planification en Afrique
Il n'y a pas de constatations plus à la mode aujourd'hui que celle de la crise de la planification, que du reste l'effondrement du bloc soviétique conforte. Pourtant un quart de siècle plus tôt il était indispensable surtout pour un pays africain, de disposer d'un document intitulé "plan de développement économique et social" où sont inscrits les efforts conjoints des États et des Bailleurs de fonds. La spécificité africaine faisait cependant de l'exercice quelque chose qui ressemblait davantage à une décision prophétique du type le taux de croissance du PIB sera de X% dans un terme n'excédant généralement pas 5 ans. C'est dire que la planification recevait les faveurs des gouvernements et des bailleurs de fonds, pour
qui cette représentation du futur était en soi, créatrice de richesse. Cette approche volontairement mythique de la rationalité de l'État n'a pas manqué d'engendrer des frustrations et des problèmes tant dans son administration que dans le choix des instruments
et des finalités politiques. Les planificateurs auxquels se sont ajoutés les statisticiens, les démographes et finalement tous les économistes, experts, et analystes du développement n'ont pas manqué de nourrir cette approche et de se constituer en réseau officiel car le cycle de la planification était devenu un enjeu pour la conquête du pouvoir. Pourtant des avertissements avaient été donnés dès 1968 par le Comité de la Planification du
Développement des Nations Unies, sur le caractère expérimental de la planification en
Afrique en mettant en évidence sa réalité de simple stratégie d'acheminement de l'aide. C’est bien ce qui explique que dans le processus de planification l'accent a surtout été mis sur la formulation et la liste des projets intéressants les agences d'aide.
Les forces profondes qui ont soutenu l'élan de la planification en Afrique puis provoqué sa crise et le démantèlement des structures ne tirent pas leur origine de la sphère politique africaine comme on aurait pu le penser. En vérité, l'Afrique a connu deux crises de la planification. La première remonte aux années 60-65. Le développement rapide du modèle de planification centralisée avec le choc idéologique de la Guerre froide et l'entrée en force de ce modèle aux Nations Unies ont inspiré les stratégies et les décennies de développement international. Les pays africains ont adopté ce modèle en dehors de tout débat, sauf au début des années 80, après le chaos macro-économique de 1979. Ce qu'on appelle communément crise de la planification en Afrique porte en réalité sur la période des années 80.
Les deux crises de la planification livrent des leçons différentes : (i) Dans les années
60, pour acheminer l'aide, l'accent a été mis sur la formulation de Plan et de projets, nationaux et multinationaux, (ii) Dans les années 80 pour gérer l’aide, on a mis l’accent sur l'analyse des besoins et l'évaluation comme mécanisme de filtrage des concepts et des ressources et comme moyen de rester dans le cadre national et sectoriel.
L’évolution entre les 2 crises fait ainsi apparaître une pression majeure exercée sur l’Afrique, pour l’acceptation de l'économie de marché, de ses principes et des instruments que sont les programmes de stabilisation économique, les politiques d'ajustement structurel
et l'efficacité de la gestion. Faute d'avoir incorporé un dispositif d'évaluation périodique dans
les plans ceux-ci n'ont pas résisté à l'épreuve de la réalité.
L'avenir est à la <marchéisation> des activités économiques en Afrique
Les tentatives de revitalisation de la planification par l'examen de ses modalités et son articulation avec la prospective peuvent être perçues comme une stratégie de "sortie de crise" - elles ne relèvent pas d'un processus d'orientation par le marché mais, au moins permettent de poser des questions pour anticiper la "sortie de crise":
1) Les nouveaux systèmes que sont la planification stratégique (ou minimale dans certains cas) et le plan souple peuvent-ils valablement constituer le meilleur interface entre l'État et le Secteur privé compte tenu des difficultés de leur mise à l'œuvre dans le contexte africain caractérisé par l’opacité des processus politiques et le manque de transparence des processus décisionnels ?
2) La longueur des délais pour maîtriser les instruments d'intervention tels que le contrôle des dépenses publiques, les incitations, les institutions et les capacités techniques ne constituent-elles pas un obstacle et par conséquent un argument pour retarder l'abandon du système de planification dépassé comme on le constate dans certains pays africains?
3) Où trouver et dans quel cadre, mobiliser les ressources colossales nécessaires pour le recyclage des capacités d'analyse et de gestion pour l'Afrique quand on observe les difficultés de concrétiser les initiatives comme la Fondations pour l'Afrique de la BAD et son succédané qu'est le Fonds pour le Renforcement des Capacités (FRCA) de la Banque Mondiale?
4) Comment faire de la coopération technique internationale, qui occupe une part prépondérante dans le système national de planification, un instrument de management de la compétitivité nationale plutôt qu'un mécanisme planifié de sa pérennisation.
Ces quelques questions attirent l'attention sur les difficultés croissantes que vont rencontrer les pays africains appelés à adopter progressivement des orientations favorables au marché qu'on pourrait qualifier de « marchéisation » pour simplifier.
Alors où est la sortie ? Mais d’abord quelques remarques sur les tendances centrales :
Les effets négatifs que comporte la <marchéisation> des activités sont bien connus des pays africains. Leurs gouvernements, de façon récurrente déclare après chaque réunion, que l'application des politiques d'ajustement structurel et la mise en œuvre des réformes pour réduire les déficits macro-économiques n’ont pas eu pour contrepartie un accroissement des flux de capitaux extérieurs. Le réalisme suggère cependant de percevoir le durcissement des conditions de mobilisation des ressources extérieures comme une contrainte inhérente au marché dans une conjoncture mondiale qui ne favorise pas la résolution de la crise de l'endettement des pays en voie de développement.
La concurrence que les bailleurs de fonds organisent entre les pays africains pour accéder aux ressources de l'aide est destinée à accélérer les réformes économiques et sociales. En fait, c'est la coopération entre les pays au niveau régional qui s'en trouvera intensifiée, sans pour autant que l'efficacité du marché y gagne. Le déplacement des ressources de l'aide vers les projets intégrateurs ne constitue aucune garantie de création d'un marché, régional ou national.
Ces tendances signifient en fait que les pays africains s'en remettront à la formule hybride de planification/gestion de l'économie nationale tant que le cadre d'analyse de la
« marchéisation » des activités, ou tout autre système de régulation soutenable n'aura pas été conçu, testé et validé dans un certain nombre de pays du continent. Ce non-choix peut être lourd de conséquences. A titre d'illustration on s'appuiera sur des exemples concernant les ressources humaines, les instruments d'intervention, les relations avec l'Europe et l'intégration régionale.
Les ressources humaines
Des milliers de cadres du secteur publique ont été formés aux méthodes de planification centrale ou indicative ou encore aux méthodes "jacobines" d'administration publique alors que leur ré affectation au bénéfice du secteur privé s'impose. Mais celui-ci ressemble dans la grande majorité des pays africains à une excroissance du secteur publique ou à un prolongement du secteur informel. C'est à dire que les compétences entrepreneuriales n'y sont pas suffisamment structurées et dans ces conditions les cadres de l'administration, volontaires au départ, risquent d'y imposer leur vision publique de l'entreprise et de bloquer les mécanismes d'innovation dans la gestion sans lesquels le secteur privé ne peut jouer de rôle moteur.
Les instruments d'intervention
La maîtrise des instruments d'intervention a parfois été rendu difficile par la confusion qui s'est installée entre la libération des échanges et la dérégulation économique.
Dans de nombreux cas on a mécaniquement traduit par extension du marché et retrait de l'Etat, en payant au passage un lourd prix, comme par exemple avec les privatisations. La fixation des règles de la compétitivité et de la concurrence à l'intérieur constitue un préalable au maniement des instruments tendant à stimuler le jeu du marché. C'est aussi le meilleur moyen d'évaluer l'efficacité du secteur publique dans son effort d'organiser le marché et la concurrence.
Les relations avec l'Europe
Ces relations sont à la dérive du fait de l'intégration poussée entre les pays européens et de la part marginale de l'Afrique dans le système économique international. Cette dérive ne met pas en cause les instruments de la coopération eurafricaine (Convention de Lomé,
Zone Franc...) dont le dynamisme à lui seul en accentue les effets. Les pays africains, qui ne prennent pas position ensemble ou séparément sur la nécessité de refondre les modalités de la coopération, font ainsi apparaître les limites de leur capacité face à l'incertitude. Le manque cruel d'informations découlant d'une analyse poussée des comportements et des stratégies des acteurs de la coopération eurafricaine en est la principale cause.
L'intégration régionale
La mondialisation des marchés et des acteurs ne fait pas bon ménage avec la mosaïque africaine. La multiplication des États et des centres de décision complique sérieusement la tâche des organisations régionales chargées de l'intégration. Face à cette situation la réponse africaine réside dans le schéma de création de la Communauté Économique Africaine, en six étapes, pour faire de l'Afrique une entité politique et économique plus cohérente et plus forte. Cette approche mécaniste aurait gagné à être complétée par un mécanisme interne visant à organiser la concurrence entre les États et à gérer les tensions qui en résultent. Cet aspect à lui seul suffit pour établir un agenda permettant d'améliorer la compétitivité au niveau de chaque État et au niveau de la région.
Une des tâches essentielles pour les analystes de politique et les gestionnaires du développement consistera dans l'avenir à cerner les principes de la <marchéisation> soutenable en Afrique. On remarque au passage que ce concept, issue de la finance internationale est promu à un bel avenir, si d'aventure les pays africains acceptaient de le mentionner dans leur constitution à l'instar des Lois plan.
(Article rédigé à la demande de ECDPM ; non publié)
Sams Dine SY - Expert Consultant
International. Ce phénomène est en effet le plus souvent présenté comme une boite noire dont on énumère les causes d'un côté et les effets de l'autre, y compris les propositions d'abandon pur et simple des programmes d'ajustement structurel. L'ajustement apparaît comme un processus de réorganisation du système économique par une intégration spatiale et dynamique. Intégration du local au mondial, dynamique des conflits et des modes de régulation. Mais aussi comme un paradigme tendant à un changement de perspective avec l'approche du développement par le bas. Cette approche se traduit par la nécessité de reconnaître que la régulation par les institutions nationales de planification est définitivement contredite par le caractère structurel de la faiblesse de la productivité des économies africaines et des déficits des finances publiques. Il n'y a pas lieu cependant de considérer cette "perte d'identité" de la planification comme une fatalité - et de nombreux cadres africains la perçoivent comme telle - ni de se laisser aller à une quelconque célébration du triomphe du marché. Cette contribution a pour objet de fournir des éléments de réponses à quelques-unes des questions clés pour l’avenir, car en tout état de cause, un marché efficace suppose un cadre organisé, de même qu'aujourd'hui, l'économie d'un pays ne peut être cohérente sans un agenda pour améliorer sa compétitivité globale.
La vulnérabilité de la planification en Afrique
Il n'y a pas de constatations plus à la mode aujourd'hui que celle de la crise de la planification, que du reste l'effondrement du bloc soviétique conforte. Pourtant un quart de siècle plus tôt il était indispensable surtout pour un pays africain, de disposer d'un document intitulé "plan de développement économique et social" où sont inscrits les efforts conjoints des États et des Bailleurs de fonds. La spécificité africaine faisait cependant de l'exercice quelque chose qui ressemblait davantage à une décision prophétique du type le taux de croissance du PIB sera de X% dans un terme n'excédant généralement pas 5 ans. C'est dire que la planification recevait les faveurs des gouvernements et des bailleurs de fonds, pour
qui cette représentation du futur était en soi, créatrice de richesse. Cette approche volontairement mythique de la rationalité de l'État n'a pas manqué d'engendrer des frustrations et des problèmes tant dans son administration que dans le choix des instruments
et des finalités politiques. Les planificateurs auxquels se sont ajoutés les statisticiens, les démographes et finalement tous les économistes, experts, et analystes du développement n'ont pas manqué de nourrir cette approche et de se constituer en réseau officiel car le cycle de la planification était devenu un enjeu pour la conquête du pouvoir. Pourtant des avertissements avaient été donnés dès 1968 par le Comité de la Planification du
Développement des Nations Unies, sur le caractère expérimental de la planification en
Afrique en mettant en évidence sa réalité de simple stratégie d'acheminement de l'aide. C’est bien ce qui explique que dans le processus de planification l'accent a surtout été mis sur la formulation et la liste des projets intéressants les agences d'aide.
Les forces profondes qui ont soutenu l'élan de la planification en Afrique puis provoqué sa crise et le démantèlement des structures ne tirent pas leur origine de la sphère politique africaine comme on aurait pu le penser. En vérité, l'Afrique a connu deux crises de la planification. La première remonte aux années 60-65. Le développement rapide du modèle de planification centralisée avec le choc idéologique de la Guerre froide et l'entrée en force de ce modèle aux Nations Unies ont inspiré les stratégies et les décennies de développement international. Les pays africains ont adopté ce modèle en dehors de tout débat, sauf au début des années 80, après le chaos macro-économique de 1979. Ce qu'on appelle communément crise de la planification en Afrique porte en réalité sur la période des années 80.
Les deux crises de la planification livrent des leçons différentes : (i) Dans les années
60, pour acheminer l'aide, l'accent a été mis sur la formulation de Plan et de projets, nationaux et multinationaux, (ii) Dans les années 80 pour gérer l’aide, on a mis l’accent sur l'analyse des besoins et l'évaluation comme mécanisme de filtrage des concepts et des ressources et comme moyen de rester dans le cadre national et sectoriel.
L’évolution entre les 2 crises fait ainsi apparaître une pression majeure exercée sur l’Afrique, pour l’acceptation de l'économie de marché, de ses principes et des instruments que sont les programmes de stabilisation économique, les politiques d'ajustement structurel
et l'efficacité de la gestion. Faute d'avoir incorporé un dispositif d'évaluation périodique dans
les plans ceux-ci n'ont pas résisté à l'épreuve de la réalité.
L'avenir est à la <marchéisation> des activités économiques en Afrique
Les tentatives de revitalisation de la planification par l'examen de ses modalités et son articulation avec la prospective peuvent être perçues comme une stratégie de "sortie de crise" - elles ne relèvent pas d'un processus d'orientation par le marché mais, au moins permettent de poser des questions pour anticiper la "sortie de crise":
1) Les nouveaux systèmes que sont la planification stratégique (ou minimale dans certains cas) et le plan souple peuvent-ils valablement constituer le meilleur interface entre l'État et le Secteur privé compte tenu des difficultés de leur mise à l'œuvre dans le contexte africain caractérisé par l’opacité des processus politiques et le manque de transparence des processus décisionnels ?
2) La longueur des délais pour maîtriser les instruments d'intervention tels que le contrôle des dépenses publiques, les incitations, les institutions et les capacités techniques ne constituent-elles pas un obstacle et par conséquent un argument pour retarder l'abandon du système de planification dépassé comme on le constate dans certains pays africains?
3) Où trouver et dans quel cadre, mobiliser les ressources colossales nécessaires pour le recyclage des capacités d'analyse et de gestion pour l'Afrique quand on observe les difficultés de concrétiser les initiatives comme la Fondations pour l'Afrique de la BAD et son succédané qu'est le Fonds pour le Renforcement des Capacités (FRCA) de la Banque Mondiale?
4) Comment faire de la coopération technique internationale, qui occupe une part prépondérante dans le système national de planification, un instrument de management de la compétitivité nationale plutôt qu'un mécanisme planifié de sa pérennisation.
Ces quelques questions attirent l'attention sur les difficultés croissantes que vont rencontrer les pays africains appelés à adopter progressivement des orientations favorables au marché qu'on pourrait qualifier de « marchéisation » pour simplifier.
Alors où est la sortie ? Mais d’abord quelques remarques sur les tendances centrales :
Les effets négatifs que comporte la <marchéisation> des activités sont bien connus des pays africains. Leurs gouvernements, de façon récurrente déclare après chaque réunion, que l'application des politiques d'ajustement structurel et la mise en œuvre des réformes pour réduire les déficits macro-économiques n’ont pas eu pour contrepartie un accroissement des flux de capitaux extérieurs. Le réalisme suggère cependant de percevoir le durcissement des conditions de mobilisation des ressources extérieures comme une contrainte inhérente au marché dans une conjoncture mondiale qui ne favorise pas la résolution de la crise de l'endettement des pays en voie de développement.
La concurrence que les bailleurs de fonds organisent entre les pays africains pour accéder aux ressources de l'aide est destinée à accélérer les réformes économiques et sociales. En fait, c'est la coopération entre les pays au niveau régional qui s'en trouvera intensifiée, sans pour autant que l'efficacité du marché y gagne. Le déplacement des ressources de l'aide vers les projets intégrateurs ne constitue aucune garantie de création d'un marché, régional ou national.
Ces tendances signifient en fait que les pays africains s'en remettront à la formule hybride de planification/gestion de l'économie nationale tant que le cadre d'analyse de la
« marchéisation » des activités, ou tout autre système de régulation soutenable n'aura pas été conçu, testé et validé dans un certain nombre de pays du continent. Ce non-choix peut être lourd de conséquences. A titre d'illustration on s'appuiera sur des exemples concernant les ressources humaines, les instruments d'intervention, les relations avec l'Europe et l'intégration régionale.
Les ressources humaines
Des milliers de cadres du secteur publique ont été formés aux méthodes de planification centrale ou indicative ou encore aux méthodes "jacobines" d'administration publique alors que leur ré affectation au bénéfice du secteur privé s'impose. Mais celui-ci ressemble dans la grande majorité des pays africains à une excroissance du secteur publique ou à un prolongement du secteur informel. C'est à dire que les compétences entrepreneuriales n'y sont pas suffisamment structurées et dans ces conditions les cadres de l'administration, volontaires au départ, risquent d'y imposer leur vision publique de l'entreprise et de bloquer les mécanismes d'innovation dans la gestion sans lesquels le secteur privé ne peut jouer de rôle moteur.
Les instruments d'intervention
La maîtrise des instruments d'intervention a parfois été rendu difficile par la confusion qui s'est installée entre la libération des échanges et la dérégulation économique.
Dans de nombreux cas on a mécaniquement traduit par extension du marché et retrait de l'Etat, en payant au passage un lourd prix, comme par exemple avec les privatisations. La fixation des règles de la compétitivité et de la concurrence à l'intérieur constitue un préalable au maniement des instruments tendant à stimuler le jeu du marché. C'est aussi le meilleur moyen d'évaluer l'efficacité du secteur publique dans son effort d'organiser le marché et la concurrence.
Les relations avec l'Europe
Ces relations sont à la dérive du fait de l'intégration poussée entre les pays européens et de la part marginale de l'Afrique dans le système économique international. Cette dérive ne met pas en cause les instruments de la coopération eurafricaine (Convention de Lomé,
Zone Franc...) dont le dynamisme à lui seul en accentue les effets. Les pays africains, qui ne prennent pas position ensemble ou séparément sur la nécessité de refondre les modalités de la coopération, font ainsi apparaître les limites de leur capacité face à l'incertitude. Le manque cruel d'informations découlant d'une analyse poussée des comportements et des stratégies des acteurs de la coopération eurafricaine en est la principale cause.
L'intégration régionale
La mondialisation des marchés et des acteurs ne fait pas bon ménage avec la mosaïque africaine. La multiplication des États et des centres de décision complique sérieusement la tâche des organisations régionales chargées de l'intégration. Face à cette situation la réponse africaine réside dans le schéma de création de la Communauté Économique Africaine, en six étapes, pour faire de l'Afrique une entité politique et économique plus cohérente et plus forte. Cette approche mécaniste aurait gagné à être complétée par un mécanisme interne visant à organiser la concurrence entre les États et à gérer les tensions qui en résultent. Cet aspect à lui seul suffit pour établir un agenda permettant d'améliorer la compétitivité au niveau de chaque État et au niveau de la région.
Une des tâches essentielles pour les analystes de politique et les gestionnaires du développement consistera dans l'avenir à cerner les principes de la <marchéisation> soutenable en Afrique. On remarque au passage que ce concept, issue de la finance internationale est promu à un bel avenir, si d'aventure les pays africains acceptaient de le mentionner dans leur constitution à l'instar des Lois plan.
(Article rédigé à la demande de ECDPM ; non publié)
Sams Dine SY - Expert Consultant