ANALYSE DE POLITIQUE
Déploiement en AfriqueLe rapport Sen-Stiglitz : un commentaire ; 2009
Indicateurs
Dès lors toute la question est de savoir dans quelle mesure la contribution de la Commission Stiglitz-Sen remet en cause ce message, relance le débat, éclaire sur la réalité, la nature et l'ampleur de la défaillance généralisée du système mondial de régulation financière. Ce rapport vient aussi à point nommé pour tester en grandeur nature la validité de tout modèle de développement préconisé.
A la question de savoir si les travaux de la Commission ouvrent une nouvelle perspective pour le développement, la réponse est négative. En effet, en présence de changements de grande ampleur et de la cohorte de risques, incertitudes, turbulences et autres phénomènes de dépendance dont ils se nourrissent, la performance de tout système économique et social se mesure par sa capacité à y faire face. De quelle capacité s'agit-il ? Comment évaluer les lacunes dans ce domaine ?
Les statistiques sont, parmi d'autres, un élément important de la base des capacités de développement. Encore faut-il être en mesure de faire des analyses rigoureuses, de mettre en oeuvre avec exactitude les choix qui en découlent sous forme de politiques et programmes, d'orienter par les résultats obtenus et de faire preuve de transparence dans la gouvernance. Mais ce n'est là que le point de départ de l'effort à consentir.
Performance
En ce qui concerne le débat sur les indicateurs de performance, il tourne - sans toutefois s'y réduire - sur l'alternative entre deux approches :
la première approche préconise le "coup de torchon" (clean slate approach) qui consiste à reprendre tout à zéro, y compris la base de données et les méthodes d'évaluation. Elle prétend exclure toute référence à un jugement ou opinion d'expert. Elle est en cours d'expérimentation sur des programmes de coopération dans les domaines de la santé, de l'éducation et de la réduction de la pauvreté. Elle a un avenir d'autant plus prometteur qu'elle est parrainée par de prestigieuses institutions comme le MIT à travers ses différents labs et school. Un des risques majeurs avec cette approche est d'annihiler les capacités patiemment crées/renforcées au cours des dernières décennies sans aucune garantie de rédemption voire d'autonomie pour les pays concernés.
la deuxième approche se veut plus incrémentiel. Elle s'efforce de bâtir sur les enseignements de l'expérience accumulée, y compris les échecs et les erreurs en matière de choix des politiques et programmes de développement. Elle est l'apanage des institutions du Système des Nations Unies et en particulier des initiatives et programmes de "grande échelle" de développement des capacités (large scale programme). Cette approche s'inscrit dans la durée, quitte à générer une industrie du développement parasitaire.
En quoi ce rapport éclaire-t-il sur ce qu'il est convenu d'appeler la crise globale financière, ses causes et ses conséquences et le débat sur la nécessité de construire un nouveau système de régulation mondial (première approche) ou de refonder le système financier et le capitalisme (deuxième approche malgré ce qu'en pensent ses défenseurs). Ce débat s'est enrichi d'une tentative de synthèse entre ses deux approches préconisées, par Jean Tirole du TSE.
Il serait particulièrement judicieux de mesurer aussi les performances du système mondial dans la gestion de la crise financière globale ne serait-ce que pour apprécier l'impact en termes de bien (mal) être, de gains (pertes) d'efficience, dans le temps et dans l'espace. Il aurait aussi été utile que cette Commission fournisse son explication de cette prétendue crise, dans la mesure où celles qui sont fournies jusqu'ici pêchent souvent par manque de crédibilité.
Si l'appareil statistique mondial est à ce point obsolète, le prétexte est tout trouvé pour rendre caduque toute forme de mesure de l'impact réel de cette crise dans les pays en développement et surtout de la performance des pays riches dans sa résolution.
Dans ce cas la tentative de reprendre à zéro devrait partir des régions et pays oubliés de la crise, comme l'Afrique.