ANALYSE DE POLITIQUE
Déploiement en AfriqueMondialisation, Développement & Socialisme
Mondialisation & Développement
Pour être utile, l'analyse devra bien cerner la complexité du sujet, prendre comme point de départ la comparaison des performances des pays à l'échelle mondiale depuis deux siècles. Elle devra aussi interroger la notion de développement, les méthodes d'évaluation, les hypothèses sous-jacentes ainsi que le lien avec la pensée socialiste qui en est contemporaine. S'il est incontestable que l'apparition du socialisme, a permis le développement européen et sa mondialisation, au cours des années 1820-1900, son déclin au cours de la deuxième moitié du XXe siècle a provoqué le désenchantement du développement et la marginalisation des politiques d'aide et de coopération avec les pays africains notamment.
Le dernier siècle plus que tous les autres révèle une facette du développement en tant que processus hautement sélectif qui, à bien des égards, s'apparente à un secret bien gardé, une course à handicap, avec une seule haie, le niveau du PIB des nations les plus riches. D'une part, le boom constaté entre 1820 et 1900 ne s'est pas reproduit au XXe siècle. D'autre part, aucun des pays ayant adopté le régime socialiste n'a réussi à intégrer ce club.
PIB ($US/h) | ||
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1900 | 1 218 | 24 pays dont : 15 Européens et 7 non Européens (ex-USSR, Chili, Argentine, Canada, USA, Nouvelle-Zélande) |
2000 | 14 565 | 23 pays dont19 Européens et 5 non Européens (Chili, Argentine, Canada, USA, Nouvelle-Zélande) plus Japon, Corée du Sud, Taiwan |
Le constat est rude, même si l'entrée dans le nouveau Millénaire est marquée par un relatif engouement pour le développement, que ce soit par pure compassion ou par simple curiosité. Le fait est que le principe de la construction d'un partenariat mondial a pu ainsi être inscrit dans la Déclaration du Millénaire de l'ONU, en tant que fruit du contexte de l'après-guerre froide. Les initiatives qui en résultent constituent une étape majeure du processus de développement, tant par la nouveauté des approches que par les péripéties de leur conception : OMD, Global Partnership, Plan d'Action du G8 pour l'Afrique, NEPAD, Millenium Challenge Account, ainsi que d'autres dont les propositions de la Commission for Africa. Elles ne sauraient cependant être exonérées de tout examen critique. L'incertitude règne toujours sur ce que les décennies futures réservent à un continent toujours en retard d'une révolution et si lent à s'approprier les concepts de développement.
Pourtant le code source du développement devra un jour être percé et rendu accessible à tous. Dès lors, se pose une question légitime : que peut faire le socialisme pour percer ce code ?
L'action en faveur du développement : toujours bienveillante
L'embellie enregistrée depuis 2005 se manifeste certes au niveau des agrégats et tout est bon à prendre. Elle ne signifie nullement que les Africains vont bien, ni que la coopération y a contribué tant soit peu. Point n'est besoin d'enquête ou d'évaluations pour se rendre à l'évidence que :
- l'espace d'expression des africains se réduit comme une peau de chagrin dans un monde de mondialisation. Pour exister, ils doivent de plus en plus penser, concevoir et se défendre dans une autre langue ; ceux qui y arrivent doivent continuer de subir un regard qui les réduit au statut de vestiges de la colonisation ;
- la parole d'origine africaine est de plus en plus inaudible quand elle n'est pas étouffée ;
- les Gouvernements des pays développés sont suspectés de duplicité chaque fois qu'ils interviennent en Afrique ou s'expriment au nom du continent. La compassion et la bienveillance irriguent, le discours officiel.
Pourquoi en est on arrivé là ? Y a-t-il une malédiction de l'aide au développement en faveur de l'Afrique ? Comment redéfinir un nouveau périmètre d'intervention sans s'empêtrer dans " le champ et l'hors champ ", sans retomber dans les travers du zonage.
Répondre à cette question devrait être une préoccupation majeure de l'effort de rénovation de la politique d’aide, de ses fondements et de sa raison d'être.
Réaffirmer les fondements politiques de l'action internationale en faveur du développement et mieux argumenter
Fondement
Les fondements de la coopération au développement doivent d'abord être d'ordre politique. C'est au niveau de l'approche qu'il convient de combiner plusieurs dimensions pour prendre la mesure de la complexité du problème.
L'action publique internationale en matière de développement doit toujours être sous-tendue par une vision politique, quitte à la renouveler pour tenir compte des changements de paradigme, de contexte et du périmètre de la zone-cible (Zone Franc, Pays du Champ/hors Champ, Zone de Solidarité Prioritaire). La vision sous-jacente a été d'abord imposée puis négociée et suggérée avant d'être partagée, certes aujourd'hui à des degrés divers. Ainsi, la politique française a pu être qualifiée tour à tour de politique d'aide puis d'assistance, de coopération et de partenariat. Ces évolutions conceptuelles ne sont ni neutres ni gratuites. Elles témoignent d'une évolution -laborieuse et chaotique - dans la compréhension des enjeux du développement et d'une volonté réelle d'adaptation.
Parmi les changements majeurs qui vont influencer l'avenir de la relation entre la France et l'Afrique figure l'évolution des besoins et singulièrement, les besoins en connaissances, compétences et capacités - tant pour le développement que pour la prestation de services publics efficaces et de qualité. Cela vaut pour les Etats africains. Cela vaut aussi pour leurs partenaires. Qu'il suffise d'évoquer la profondeur des fossés, la multiplication des frontières, la densité des plafonds de verre et la rigidité des barrières qui séparent les uns des autres. Faire face à ces nouveaux défis suppose une vision, une volonté, un engagement et un leadership politique, incarné au plus haut niveau par un visage qui inspire confiance et un système de gouvernance rénové. De part et d'autre.
Justification
La complexité des problèmes de développement exige d'en appréhender les multiples dimensions Ces dimensions sont d'ordre éthique et pragmatique mais avec un contenu différent de celui présenté par la note*. Elles sont aussi d'ordre économique et instrumental.
Les responsabilités dans la situation actuelle de l'Afrique sont mutuelles ; il convient de le reconnaître avec humilité afin de se départir du sentiment de bienveillance qui a longtemps pollué la politique de coopération et confiné les acteurs africains dans une posture d'assistés. De nouvelles modalités d'intervention et logique de prestation sont nécessaires pour faire face à la montée des besoins liés au développement ; il convient d'avancer avec prudence pour ne pas retomber dans les errements du passé. L'aide au développement consiste, comme tout soutien public, à fournir des externalités à des acteurs et des réseaux, créateurs d'innovation, de valeur ajoutée et de richesse, et à gérer les risques d'erreurs dans les choix. Les bénéficiaires de l'aide doivent d'abord apprendre à conceptualiser leurs besoins, à les exprimer, à s'organiser, à peser sur ses orientations et mode de gestion, à l'absorber ou changer d'échelle comme on voudra.
Les objectifs, axes et domaines d'intervention de la politique d'aide au développement de l'Afrique
Les objectifs découlent naturellement des thèmes fédérateurs de la vision :
- Promouvoir l'exemplarité par la bonne gouvernance de l'aide publique à l'Afrique.
- Inscrire les actions dans une logique de prestation de service public répondant à des normes de qualité et de performance au regard des meilleures pratiques.
- Fournir des externalités aux acteurs qui s'inscrivent dans une chaine de résultats, créatrice de valeur et de croissance.
- Renforcer le rôle des acteurs dans les tâches essentielles de mise en œuvre, d'évaluation et de conception des politiques et des instruments de financement.
En ce qui concerne les axes d'intervention, les domaines d'application et l'agencement institutionnel, les recommandations de l'OCDE/CAD constituent un bon point de départ. Ces documents soulignent avec justesse les efforts considérables réalisés en vue de se référer aux meilleures pratiques de gestion axées sur les résultats telles que consignées dans la " Déclaration de Paris sur l'efficacité de l'aide au développement.
Sams Dine SY, 18 février 2007
*Cet article est un commentaire de la note sur la politique d'aide au développement du Parti Socialiste Français (P. Jacquemot, auteur), Il a été rédigé à la demande de son Secrétariat.