POLICY ANALYSIS:
Déploiement en Afrique
Plan de redressement des finances publiques (PRFP Sénégal) : des atouts...
PLAN DE REDRESSEMENT :
Des atouts…
Par Sams Dine SY
(publié le 26 Août 1993 dans Sud Quotidien)
Le Plan de redressement des finances publiques (PRFP), quatrième du nom préconisé pour satisfaire les conditionnalités des Institutions de Bretton Woods, comporte trois éléments qui jouent en sa faveur et, s’ils étaient judicieusement exploités, lui donneraient un avantage certain sur ses avant-courriers que sont le Plan de stabilisation à court terme, le Plan de redressement économique et financier et le Plan d’ajustement à moyen et long terme.
Il s’agit d’un plan conçu par le personnel sénégalais au centre de la gouvernance économique qui du reste le proclame ouvertement. Il témoigne de sa volonté de positionner les déficits dette/budget sur une trajectoire soutenable ; et par une thérapie de choc, il compte remettre le Sénégal sur le sentier de croissance. Cette démarche constitue donc une première et demande qu’on s’attarde sur les coûts et bénéfices potentiels que le PRFP implique ; on devra aussi expliquer pourquoi ce plan est préférable à toute autre stratégie d’ajustement par les facteurs qui agissent sur la concurrence, la modernisation du secteur public, le fonctionnement du marché du travail et la valorisation des compétences dans le cadre d’une politique de la compétitivité de l’économie nationale.
Dans sa déclaration, le Premier Ministre, après avoir exposé les mesures à prendre au cours du biennium 93-95, a évoqué les principaux avantages économiques attendus :
- Injection de liquidités par le règlement de la dette publique intérieure ;
- Diminution coordonnée du poids des prélèvements obligatoires et des coûts des facteurs pour assainir durablement l’environnement des entreprises ;
- Mobilisation des ressources financières extérieures pour financer les projets de développement.
Ces avantages, pour substantiels qu’ils soient, sont exprimés en des termes trop généraux et très larges pour guider les opérateurs économiques vers des stratégies compétitives et mobiliser les agents publics.
On comprend dès lors, pourquoi l’argumentaire du Premier Ministre suscite tant de réserves. En vérité, rien ne le distingue du miroir aux alouettes qui a servi d’appâts à plus d’une réforme économique dans différents pays du Sud en développement et d’Europe orientale, avec tous les dérapages qu’on connait. Stopper la dérive du déficit et le stabiliser à des niveaux minima constituent une nécessité objective à condition de ne pas retarder l’élimination des obstacles structurels à la croissance (demande intérieure en décalage par rapport aux produits d’exportation, position compétitive en dégradation constante sur les marchés). La persistance de ces obstacles au-delà de 1995 s’accorde mal d’un déséquilibre externe qui risque d’être moins modique qu’il ne l’affirme.
Aussi, la réorganisation du système socio-productif ne doit pas être perçu comme une mesure d’accompagnement du Plan mais comme une condition de sa mise en œuvre.
La question de la stratégie d’ajustement par la politique budgétaire doit être examinée dans le contexte de l’évasion des capitaux, qui atteint un niveau record au Sénégal et qui fait planer une incertitude sur la mise en œuvre de la processus de de surveillance multilatérale dans le cadre du programme de convergence en cours d’élaboration au sein de l’Umoa.
La aussi, à moins de revenir sur le principe de l’irrévocabilité de la parité du taux de change du franc cfa et sur celui de l’indépendance de la Bceao, on ne voit pas comment échapper à l’alternative de l’ajustement par les facteurs en réorientant les dépenses publiques vers les secteurs porteurs de croissance économique : Pme, services à haute valeur ajoutée, grands travaux, protection des populations rendues vulnérables par les mesures d’austérité, protection de l’environnement, système d’innovation.
Comme on le voit, il ne s’agit pas seulement de réduire le train de vie de l’Etat. Il est plus que jamais urgent pour le gouvernement de préciser, détails à l’appui, ce qu’il compte faire simultanément du Plan de redressement des finances publiques pour que celui-ci ne souffre pas d’une conception insuffisante et ainsi trahir un sentiment d’indécision qui risque fort d’allonger inutilement la durée de la traversée de la vallée des larmes, comme disent les tenants de la thérapie de choc. En changeant brutalement les règles du jeu de la politique économique par l’annonce du PRFP, le gouvernent se procure une marge de manœuvre importante sur les autres acteurs qui doivent se remettre de leur désarroi.
Les coûts sociaux qu’il occasion sont aussi rendus plus faciles à appréhender et c’est là autant d’éléments qui lui facilitent la tâche, mais pour combien de temps ?
Sams Dine SY
Economiste financier & Consultant
Point E