ANALYSE DE POLITIQUEDéploiement en Afrique
- 1. Généalogie
- 2. Topographie
- Approche positive : noyau dur
- couronne protectrice : normative
- dynamique volitive : frontière mondiale
- 3. Déploiement
- Dérive positiviste et figure de l’entrepreneur politique
- Circulation chaotique
- Réception laborieuse
- 4. Le Diagramme Logique Tripolaire : l’Afrique laboratoire
- Etude De Cas :Eco-Système Fédéral 2.0
1. Généalogie
La science de l’analyse de politique est une discipline de recherche appliquée centrée sur l’activité étatique. La production des politiques publiques s’est nourrie des travaux de grands penseurs, de Platon à Auguste Comte, en passant par Bacon, Saint Simon, Hegel. Mais si l’action étatique constitue l’objet central de l’analyse de politique d’autres disciplines ont investi certaines problèmes spécifiques ou transversaux. Ainsi, au-delà de la philosophie et de la sociologie politique, la quasi-totalité des sciences et des techniques s’est emparée de cet objet pour y marquer son territoire : géopolitique, biopolitique, économie politique, histoire politique, gestion publique, ingénierie politique, écologie politique, développement politique, innovation politique, études politiques, anthropologie politique, communication politique, marketing politique, méthodologie politique, religion politique, forensique (liste non exhaustive).
La science de l’analyse de politique s’est construite à mesure que l’Etat westphalien (1648) européen s’est étendu au monde entier surtout après la grande vague de décolonisation. Ballotée au fil des siècles entre causes nationales/dynastiques puis impériales/industrielles, elle n’a connu ce déploiement fulgurant qu’à partir de la seconde moitié du XXe siècle aux USA. L’Etat fédéral l’a institutionnalisé dès le milieu des années 70 au sein d’une administration en quête de capacité à formuler et mettre en œuvre des bonnes politiques, se démarquant de la tradition philosophique westphalienne européenne du pouvoir qui tire sa légitimité de l’exercice de la puissance publique à travers la distribution de l’autorité et la main mise sur le service public.
Entre temps le nombre d’états-nation a quadruplé rien qu’au cours du dernier siècle, tous plus attachés les uns que les autres au principe de la souveraineté - une croyance devenue sacrée au point que tout abandon d’une miette équivaut à une trahison (E. Lazlo). Il n’empêche que la validité de ce principe est sans cesse remise en cause par des facteurs qui affectent la légitimité de l’intervention publique : l’interdépendance stratégique et des chocs, l’intégration et la mobilité, les disruptions technologiques et les événements extrêmes.
Se proclamant science expérimentale, le noyau dur de l’analyse de politique a d’abord prétendu « dire le vrai au pouvoir public » en se fondant sur une épistémologie positiviste et une méthode neutre et scientifique. L’approche normative en était la couronne protectrice, particulièrement pendant les années de crises, de désillusions, de délégitimation de la figure de l’entrepreneur politique ubiquitaire.
Ce qui est apparu au fil du temps comme une dérive positiviste, a donnée naissance au sein ou à la marge de la discipline à une multitude de courants et théories qui, sans entamer le noyau dur, se sont efforcés de « fabriquer du sens ensemble ». Face à cette ambition qui nécessite d’intégrer dans les décisions publiques aussi bien le temps long que l’espace global, le courant positiviste montre ses limites. Cette exigence déclenche la dynamique volitive qui constitue à présent la frontière de l’analyse de politique où différents producteurs de sens se côtoient, s’appuyant tous sur une démarche prospective tantôt normative et préventive pour la combiner avec le noyau dur positiviste, tantôt exploratoire et globale pour préparer l’avènement de l’état post-westphalien et en dessiner le Master Plan.
2. Topographie
Dresser l’état des lieux ou la topographique des paradigmes et courants de l’analyse de politique relève de la gageure. Un bref retour sur les conditions de sa naissance permet cependant de mieux comprendre son devenir dans des sociétés de plus en plus complexes et globalisées. Sans remonter à l’époque grec où le polis était uni à la sacralité (A.J. Heidenheimer), aux origines de l’analyse de politique se trouvent les sciences caméralistes, développées au sein des premières universités chargées de former des fonctionnaires dans le cadre européen encore relativement homogène et régi par l’ordre westphalien.
Le recours à la communauté scientifique au nom d’une rationalité technocratique s’est intensifié avec la grande dépression et le new deal et des épisodes de crises qui ont suivies : guerre froide, lutte pour les droits civiques, légitimité de l’état. Cependant la discipline n’a pris forme qu’à partir des années 90 dans la foulée du programme de recherche en policy science (C. Merriam ; H. Lasswell) selon le paradigme positiviste. Ce dernier a pris le virage post-positiviste sous la pression de groupes d’intérêt particuliers, tandis que la remise en cause de l’heuristique des étapes d’un policy cycle unique invitait à l’abandon de l’approche empirico-analytique et orientait la recherche d’alternatives constructivistes ou interprétatives dans la lignée de la theory driven policy analysis (P. Sabatier).
Approche positive : noyau dur
L’Analyse Positive de Politique, noyau dur
Le paradigme positiviste constitue le noyau dur de l’analyse de politique. Dominant au départ à travers ses différentes déclinaisons, il traduit une vision technocratique du monde et une démarche de planification des politiques publiques à partir d'enquêtes empiriques et surtout d'une vision qui néglige le "politique" au sens Lasswellien du terme et donc la place des arguments. L’expertise et le conseil politique puisent dans les sciences sociales empiriques pour "dire la vérité au pouvoir" (speaking truth to power, A. Wildavsky), en toute franchise et liberté (free and frank) selon la tradition Westminsterienne.
Pour comprendre l’importance du paradigme positiviste dans la structuration de l’analyse de politique comme discipline, il convient de le replacer dans le contexte de la philosophie empirico-analytique de la science développée à l’époque de la révolution industrielle avant d’accompagner au XVIIIe siècle l’Etat Westphalien dans la conquête du monde. Cette philosophie a aussi engendré un grand nombre d’écoles de pensée dont le positivisme logique de A. Comte, le néo-positivisme solidaire de l’individualisme méthodologique (F. Hayeck), l’évolutionnisme englobée dans le holisme méthodologique (K. Popper).
Le courant positiviste a évolué autour de trois variantes - analycentrique, néo-positiviste et rationaliste critique - avant d'entamer le virage post-positiviste avec la prise en compte croissante des arguments dans le processus politique avec un sous-jacent constructiviste. Le virage a pris plusieurs formes : relativiste, critique théorique, forensique, participative et argumentative, cette dernière étant considérée comme le marqueur du tournant post-positiviste. Le virage se traduit par l’adoption de la méthodologie centrée sur l’évaluation et la mise en œuvre, enrichissant l’approche positive par l’approche normative.
couronne protectrice : normative
La couronne protectrice normative
L’analyse normative de politique n’est pas considérée en tant que tel comme un paradigme. Cette approche découle de l’importance prise par les théories consacrées au processus politique (policy process). Elle s’est structurée autour de la theory driven policy analysis et de la program theory, qui cherchent à rendre compte des liens de causalité au sein du processus politique (P. Sabatier), de son caractère analytique ou normatif (Chen, H. Leonard), de sa spécification en termes d’étapes et de cycle avec des controverses portant sur leur nombre et ordonnancement mais aussi la consécration de la figure de l'entrepreneur politique et celle du réseau ubiquitaire. Le point de départ des controverses est l’heuristique des étapes ou stages heuristic (H. Lasswell ; J. P.de Leon) qui a cependant fait l’objet de nombreuses critiques portant sur la distinction entre ce qui relève de l’analytique ou du normatif, sur la notion de cycle politique (policy cycle) et le nombre d’étapes, la multiplicité des volets ou streams (J. Kingdon); les liens de causalité (P. Dye; F.S. Berry; F.S. Berry; F. R. Baumgartner), la structure des réseaux (S. Adam) , le poids des institutions (E. Olstrom).
L’approche normative doit être replacée dans le contexte de la philosophie empirico-analytique de la science et des débats contemporains, en ce qu’elle y facilite le passage entre énoncés de fait et énoncés de valeur, dit autrement, entre l’approche positive et volitive et dans les deux sens. Les travaux de F. Hayeck et de J. Rawls ont exercé une influence décisive sur la theory driven policy analysis. Ces travaux ont été au centre des plus grandes controverses - égalité vs équité, approche évaluative vs prescriptive, approche commutative vs redistributive - accentuant l’emprise des groupes d’intérêt et des normes sur le courant positiviste.
dynamique volitive : frontière mondiale
La dynamique volitive
à la frontière mondiale de l’analyse de politique
L’analyse volitive de politique trouve son fondement épistémologique dans le constructivisme. Elle s’inscrit dans le temps long pour mieux y intégrer les décisions publiques et décline le cheminement de l’amont vers l’aval en s’appuyant sur la volonté politique transformative. Elle se fonde sur les limites des approches positivistes et normatives qui ont tendance à résumer l’action publique à une confrontation des groupes d’intérêts. Comme l’approche normative, elle s’appuie sur les méthodes prescriptives tout en les liant à une démarche prospective qui peut être qualifiée de préventive/normative ou exploratoire/globale selon qu’elle repose davantage sur des données quantitatives ou qualitatives.
Considérée par les post-positivistes comme la première phase du processus politique (B. Hogwood ; L. Gun), cette démarche déborde largement le cadre de la discipline et tend à s’autonomiser quitte à être englobée dans des cadres plus généraux comme la théorie du changement social ou encore celle de la transformation des systèmes.
Il faut reconnaitre à Gaston Berger d’avoir impulsé dès les années 60 la dynamique volitive en y ancrant la prospective dont il est l’inventeur. Cette dynamique se résume pour l’essentiel à la construction de scénarios normatifs à l’instar des démarches développées aux USA (Rand, H. Kahn, D. Bell). Mais à l’instar de l’économie, cette démarche a été frappée de discrédit depuis la Grande Récession (2007-2012). Sa refondation est en cours notamment grâce aux exercices réalisées dans le cadre de l’évaluation des impacts socioéconomiques du changements climatiques (Giec) et des tendances démographiques, des vagues d’innovation technologiques. L’architecture de grande échelle reliant exigences/incertitudes et réponses embrassant le multi-spatial, le multi-temporel, met la prospective globale au cœur de la dynamique volitive.
3. Déploiement
Les Etats-Unis ont été sans conteste les pionniers et précurseurs dans le déploiement de la science de l’analyse de politique ce qui a sans doute a permis de façonner le reste du monde (ROW) et d’imposer les normes qui en font le gendarme du monde et l’hégémon et le régulateur. Mais pour une discipline aussi foisonnante en innovation, pour combien de temps encore ? Question d’autant plus cruciale si l’accès à cette prime au précurseur se réduit à un cercle restreint dans un contexte mondial d’explosion des inégalités, d’événements extrêmes, de stagnation sous l’effet du vieillissement démographique. Ceci amène à la question de la responsabilité de l'état fédéral américain dans la diffusion de cette discipline et de l’idéologie néolibérale avec au centre la figure de l’entrepreneur politique.
Dérive positiviste et figure de l’entrepreneur politique
La science de l’analyse de politique n’aurait pas connu aux Etats-Unis une percée fulgurante sans l’intervention - au nom du pluralisme - des groupes d’intérêt et des coalitions engagées dans des stratégies de développement capacitaire de l’Etat à formuler et mettre en œuvre de « bonnes politiques quitte à ouvrir la voie à d’autres stratégies de capture de l’Etat régulateur. Ces groupes contestent le monopole de la puissance publique dans la fourniture d’infrastructures, de biens et de services publics, monopole qui ne la met pas à l’abri d’erreurs en prenant de mauvaises décisions (type 1) ou en écartant de bonnes décisions (type 2). Au nom du pluralisme, ils exploitent les failles des analystes et experts pour partager voire imposer un agenda privé. La faille la plus évidente se trouve dans l’adoption d’une méthodologie centrée sur l’évaluation et la mise en œuvre, qui a fait basculer l’approche positive vers la normative. Aussi, à force de prétendre « dire la vérité au pouvoir politique », la frontière avec ce dernier s’est estompée instaurant une logique d’exclusion et de confiscation. La puissance partagée entre les détenteurs du pouvoir et les détenteurs de l’expertise en analyse de politique a créé de fait une situation de collusion montrant les limites de la séparation du pouvoir, de la limitation du pouvoir et de l’organisation de l’Etat en termes de contre-pouvoirs (J.J. Laffont).
Avec l’affirmation de la prééminence des faits sur les valeurs – une autre faille - le courant post-positiviste s’est mis au service de l’agenda libéral déclenchant la « Guerre des idées » contre l’héritage de la Great Society et de la « Poverty War » initiés dans les années 60. Il s’agit à présent d’"affamer la bête" (starve the beast) par une politique fiscale agressive et confiscatoire au détriment du secteur social.
Avec l’affirmation de la prééminence des faits sur les valeurs – une autre faille - le courant post-positiviste s’est mis au service de l’agenda libéral déclenchant la « Guerre des idées » contre l’héritage de la Great Society et de la « Poverty War » initiés dans les années 60. Il s’agit à présent d’"affamer la bête" (starve the beast) par une politique fiscale agressive et confiscatoire au détriment du secteur social.
Circulation chaotique
L'analyse de politique se déploie dans un contexte encore largement imprégné par une vision "agraire du monde" selon laquelle la science doit au mieux être au service d'une idéologie quand elle n'est pas accessoire par rapport à la religion, la terre est la ressource principale et la hiérarchie entre les personnes s'établit selon le genre, la race, le niveau d'instruction, de culture de l'état. Aussi, la discipline est devenue un attribut essentiel du pouvoir qui l'a instrumentalisé dans tous les domaines pour renforcer sa domination quitte à exclure. Comme il en a été ainsi aussi bien aux USA que dans le reste du monde (ROW), sa circulation a été partout chaotique.
Ainsi, l'Etat fédéral américain a réussi à la faveur de l'apparition de chaque courant ou théorie à structurer au niveau international, l'agenda politique, économique, social, scientifique, technologique, culturel, sécuritaire et environnemental. Plus que la monnaie, l'armée, ou encore la fiscalité, cette discipline constitue l'innovation disruptive par excellence qui fait la différence avec le ROW.
Alors qu’aux USA, le courant positiviste est remis en cause et que le tournant post-positiviste est pris, la situation est toute autre dans le ROW. Dans les régions dont la reconstruction avait été confiée aux institutions de Bretton Woods avant d’être remplacée par le Plan Marshall, l’heuristique des étapes sert encore de référentiel à travers des organisations comme l’OTAN (planification capacitaire), l’OCDE (le monde en 2020) et l’Union Européenne (Programme UEM), même si les démarches interprétatives et comparatives commencent à y avoir droit de cité dans le prolongement des théories alternatives. Les politiques publiques nationales aux conséquences internationales ont largement puisé dans ces théories pour structurer l'ordre mondial
La multiplicité des courants et théories rend la circulation encore plus chaotique tout en permettant au courant argumentatif de se transformer en marqueur des thèses néo-libérales qui ont porté au pouvoir R. Reagan et M. Thatcher. Le slogan phare de ces thèses -There Is No Alternative, TINA - selon lequel il n’y aurait qu’un modèle unique vecteur de prospérité, de paix et de développement avec sa litanie du winners/losers, lag-behind, winner-take-all. A l’occasion du Sommet de Cancun (1981), R. Reagan Président des Etats-Unis argumente, met en normes cette vision du monde et inscrit dans l'agenda mondial des politiques publiques le discours néolibéral patiemment construit par F. Hayeck, J. Buchanan et M. Friedman. Le dernier avatar en est le Consensus de Washington qui a été adapté aux circonstances pour organiser le reste du monde (ROW), accompagner la transition dans les BRICs, imposer l’austérité dans les PPTE …
Dans l’espace eurasiatique où sévissait jusqu’à la fin des années 80 le centralisme bureaucratique, cette même heuristique accompagne toujours la transition quand bien même cette dernière concerne surtout l’économie. Mais c’est dans les régions en développement que la distribution prend des allures encore plus chaotiques qu’ailleurs. En cause, la résistance des mentalités fortement imprégnées du biais de statu quo et de l’échec des universités et des administrations publiques à sortir les pays des trous et trappes capacitaires provoquant ainsi un effet de sentier et de verrou se traduisant par le rejet de solutions efficientes et la perpétuation d’institutions parasites.
Réception laborieuse
La réception dans le monde en développement, l’Afrique en particulier se déroule dans un contexte marqué par la succession de Décennies Internationales du Développement sans résultats significatifs. Le rapport Jansson (1989) pointe l’étroitesse et les limites des programmes en lien avec la part restreinte du Système des Nations Unies dans les apports d’aide et d’assistance aux pays bénéficiaires et l’étroitesse des programmes face à leurs besoins. C’est sans doute la première fois que la question des capacités d’analyse de politique et de projets est mise en évidence.
Le Rapport préconise comme cadre conceptuel, le « cycle de coopération pour le développement comportant plusieurs éléments intégrés : la programmation par pays et la programmation multinationale, la notion de chiffre indicatif de planification (CIP) une liste de projets traduisant dans le détail le programme d’un pays donné, et enfin les étapes successives du cycle de projets, y compris une évaluation d’impact » (PNUD DP/1990/9).
Les premiers contacts de l’Afrique avec l’analyse de politique remontent au début des années 90 après quatre décennies marquées par la sécheresse et les programmes d’ajustement structurel aux effets dévastateurs. Cet effort est passé par le canal du Système des Nations Unies qui venait d’adopter une réforme majeure pour se doter de la capacité et d’une plus grande cohérence dans ses interventions.
Dans la foulée du Rapport Jansson, la Banque Mondiale lance à son tour l’Initiative pour le Renforcement des Capacités en ciblant l’Afrique (J. Cox, 1993). Cette initiative devait accompagner les pays dans l’adoption des principes normatifs symbolisés par le TINA qui conditionne l’accès au soutien des Institutions de Bretton Woods (IBW) et au-delà à celui des pays membres du Comité d’Aide au Développement (CAD/OCDE). L’essentiel des dispositifs d’analyse de politique au niveau des pays était soumis aux normes et standards édictés par les IBW.
Ainsi progressivement, les institutions des Nations Unies se sont emparées de la question de la mise en place et de l’utilisation des capacités d’analyse de politique et de gestion publique comme alternative aux thérapies de chocs et moyen d’accéder à des programmes de réduction de la pauvreté. Des initiatives et programmes spécifiques ont donc ciblé les institutions économiques, financières et monétaires, les départements d’économie et de gestion des universités africaines et les Organisations et Communautés Economiques Régionales.
Plusieurs études mobilisant d’autres approches de l’analyse de politique ont cependant pu être menées. A côté d’études prospectives nationales et régionales, d’autres se sont penchées sur les systèmes de planification après une enquête couvrant tout le continent dans le but de les réorienter grâce à la formation de nouvelles capacités d’analyse de politique et de gestion économique*.
Les efforts réalisés dans ce domaine ont été amplifiés par des initiatives et programmes spécifiquement orientés vers les administrations publiques et la société civile. Au cours de la première décennie 2000, ces efforts se sont redéployés au niveau continental dans le cadre de la préparation du Sommet du Millénaire des Nations-Unies et de l’inscription dans l’agenda du G8 du partenariat entre les riches et les pauvres transformé en Nepad. Au même moment la question de l’Afrique Politique s’est imposée avec la transformation de l’OUA en Union Africaine, interpellant le monde académique qui, pour être à la hauteur de l’enjeu fédéral, a avancé l'idée de l’Université Africaine.
Toutes ces démarches sont alimentées par les enseignements de la littérature sur l’économie politique positive, que ce soit celle de la transition de l’économie planifiée vers l’économie de marché et la démocratie. Les interventions sur le terrain puisent dans la boîte à outils de l’analyse prospective de politique et de la transformation capacitaire. Parmi les marqueurs des progrès réalisés figurent, l’instutionnalisation en 2014 de la formation à l’analyse de politique dans le cadre de la réforme de la Commission des Nations pour l’Afrique, CEA, couronnée en 2018 par l’intégration de l’ACBF et de l’Agence du Nepad au sein de la Commission de l’UA. Plus qu’un tournant, la science de l’analyse de politique effectue un saut qualitatif pour se mettre au service de la réflexion sur l’Etat Fédéral Post-Westphalien avec l’Afrique comme laboratoire.
4. Le Diagramme Logique Tripolaire : l’Afrique laboratoire
Les 3 Pôles
Prospective Globale
La Prospective a exercé un effet d’attraction sur l’analyse de politique mais aussi de stimulation sur la transformation capacitaire. C’est avec ce pôle que la dynamique volitive s’est progressivement structurée au sein du diagramme logique. Cette dynamique interpelle le jeu de l’état et les interactions avec les autres acteurs autour de l’enjeu de souveraineté. La spécification de cet enjeu en constitue le point de départ. Mais cette spécification est indissociable de celle d’autres exigences comme les tendances lourdes, les incertitudes. Elle commence au sein du pôle « Prospective Globale » qui embrasse – bien au-delà de sa dimension normative qui illumine la plupart des exercices réalisées - le multi-temporel, le multi-spatial et le multi-acteur. Ce pôle interroge les notions de mondialisation, d’intégration en lien avec l’évolution démographique, l’explosion des inégalités entre et au sein des pays, la résilience aux chocs et événements extrêmes.
Analyse de Politique
La nécessité de prendre en compte différentes temporalités et spatialités se traduit par un niveau de complexité qui oblige à simplifier pour expliquer les liens de causalité au sein de cycles multiples des politiques et des actions publiques. Elle se poursuit au sein du pôle « Analyse de Politique » en mettant la focale sur le processus par lequel les acteurs influencent l’inscription dans l’agenda public. Le périmètre donné à l’enjeu y occupe une place centrale. Restreint à ses attributs traditionnels westephalien (militaire, monétaire, fiscal), l’enjeu valorise la hiérarchie traditionnelle entre hégémon et les autres actants réduits au rôle de supplétifs monétaires, de « chair à canon » militaires, de proies fiscales.
Transformation Capacitaire
Elargi sous l’effet de disruptions technologiques l’enjeu s’enrichit de la dimension « Transformation capacitaire » qui s’inscrit dans le troisième pôle. La diversité, l’ampleur et la durée des transformations déterminent la marge de manœuvre des acteurs et autres groupes d’intérêts.